Des photos prises le 23 mai 2010 en début après-midi à Ratchaprasong. Ratchaprasong, le quartier riche de Bangkok, avec des centres commerciaux tous plus grands les uns que les autres qui se chevauchent dans tous les sens. Des panneaux publicitaires immenses et des écrans géants qui viennent colorer le tout. Le Manhattan thaïlandais.
Seulement pendant un mois et demi, Ratchaprasong fut aussi le principal lieu de regroupement des fameux tee-shirts rouges, dont vous avez peut-être entendu parler.
La semaine dernière, Ratchaprasong était également le lieu de violents affrontements entre l’armée et les « rouges », faisant de nombreux morts (surtout chez les rouges). Voilà donc un article un peu spécial qui relate mon ressenti des événements depuis Bangkok où je me suis trouvé presque tout du long.
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Événements politiques en tant que touriste
Tout d’abord, il faut commencer par réaliser que même si ces photos sont troublantes et que le quartier de Ratchaprasong n’était pas recommandé pendant cette période, la vie dans le reste de Bangkok et du pays a continué normalement. À vrai dire, c’était même plutôt une aubaine en tant que touriste, puisque la plupart des étrangers avaient déserté la Thaïlande ! J’ai littéralement eu une guesthouse entière à moi tout seul pendant quelques jours, ce qui permet de nouer des relations complètement différentes avec le personnel qui, par la force des choses, a beaucoup plus de temps disponible.
Effectivement, quand ce genre d’événements se produit, ils sont relatés sur toutes les chaines de télévision de la planète, et rapidement tout le monde se met à croire que le pays entier est en guerre civile. Ce n’est bien sûr pas le cas. Les événements en question sont toujours limités à certaines zones, qu’il suffit d’éviter (par bon sens). En revanche, pour des raisons bien compréhensibles, les ambassades étrangères se voient obligées de déconseiller tout voyage dans le pays concerné. Et le tourisme chute en conséquence.
Mercredi 19 mai 2010, Ratchaprasong était ainsi le lieu de toutes les attentions en Thaïlande et autour du globe, puisque d’épaisses fumées noires s’en échappaient. Ces fumées noires provenaient de montagnes de pneus brûlés, mais aussi ce jour-là, du « Central World » (un des plus célèbres centres commerciaux ici), d’un grand cinéma, et de plusieurs autres bâtiments qui sont partis en « fumée » (si vous me pardonnez le jeu de mots). 39 bâtiments au total dans toute la capitale, dont la bourse de Bangkok.
Après avoir lu et entendu un paquet de choses sur ce qui s’est passé en Thaïlande depuis le 12 mars 2010, et comment ces événements ont évolué jusqu’à une brève pause depuis ce jeudi 21 mai, je voudrais exprimer mon ressenti, accompagné de quelques pronostiques personnels en tout genre. Cela n’engage évidemment que moi et est surtout intéressant pour mon point de vue de voyageur à Bangkok pendant cette période. À bon entendeur si vous aussi, vous vous retrouvez dans cette situation un jour.
Récapitulatif des différentes factions
D’abord, pour situer brièvement les différentes couleurs qui se sont opposées, et qui s’opposeront encore en Thaïlande, en voici un petit récapitulatif :
- Les jaunes, appelés aussi les « royalistes » même s’ils ne sont ni plus ni moins royalistes que les autres. Ils correspondent à un gouvernement libéral à sens unique, le sens de l’argent. Ce sont les riches thaïlandais, entre autres ceux qui habitent le quartier de Ratchaprasong. Le problème de la politique des jaunes vient surtout des disparités économiques qui existent en Thaïlande. De ce fait, les politiques plus adaptées (ou non d’ailleurs) à Bangkok et aux régions plus riches du sud ne sont pas forcément adaptées aux régions plus traditionnelles. Dans tous les cas, de mon point de vue de touriste longue durée, je n’ai rien contre les jaunes (ni personne d’ailleurs). Les jaunes sont représentés par le 1er ministre thaï : Abhisit Vejjaajiva.
- Les rouges, appelés aussi les « tee-shirts rouges ». Ils représentent quasiment tout le reste du pays, notamment le nord et l’est plus pauvres, plus agricoles (enfin presque intégralement agricole). Bref, des gens qui aimeraient un peu plus de justice dans ce chouette pays qu’est la Thaïlande. Le gouvernement « rouge » fait office de gauche thaïlandaise, avec aides et subventions tombées du ciel. Les rouges sont soutenus par Thaksin Shinawatra, milliardaire et ex-Premier ministre exclu de Thaïlande pour détournements de fonds lourds.
- Les roses, qui ne sont autres que des jaunes déguisés afin de manifester pacifiquement et sans provocation contre le blocage de Bangkok par les rouges !
- Les multicolores. Ce sont les gens qui en ont eu marre du blocage sur Bangkok et qui se sont rassemblés pour manifester leur mécontentement. Pour le coup, les multicolores rassemblent des jaunes, des gens « sans couleurs », des touristes… Ils ont été rejoints dans le multicolorisme pendant un moment par les rouges qui voulaient éviter d’être pris trop facilement pour cible par l’armée ! Rigolo, non ?
- Les verts, Seb et moi, avec comme slogan : « Manger des légumes, c’est bon pour la santé ». Mais ils n’ont pas été nombreux à rallier notre cause en Thaïlande malheureusement. Il faut dire que nous n’avons jamais manifesté pour ne pas semer plus de troubles, et que nous n’avions de toute façon ni l’un ni l’autre, de tee-shirt vert.
Résumé des événements
Maintenant que l’on sait qui est qui, voici (très) brièvement l’origine du gouvernement actuel :
Thaksin a été déchu du pouvoir en décembre 2006 alors qu’il était à l’étranger pour une conférence. L’armée, qui a pris le pouvoir, instaure alors une autorité provisoire fidèle au roi. Ils organiseront des élections en décembre 2007, remportées par les rouges.
En décembre 2008, alors que les rouges étaient au pouvoir depuis à peine un an, les jaunes mécontents manifestent dans la capitale, et prennent d’assaut l’aéroport international de Bangkok. Après quelques semaines de panique en Thaïlande, le Premier ministre rouge démissionne. Il n’y a pas eu de mort pendant ces événements, l’armée n’a pas été envoyée, et la situation a pu rentrer dans l’ordre rapidement. Les jaunes ont donc récupéré le pouvoir par un coup de force en décembre 2008.
Nous sommes maintenant au printemps 2010 et il se trouve que c’est cette fois au tour des rouges de se soulever contre le gouvernement jaune. Une sorte de revanche en quelque sorte. Les manifestations durent depuis le 12 mars 2010 et rassemblent de plus en plus de monde. Jusqu’au 10 avril, soit presque un mois après, et aussi longtemps que le soulèvement des jaunes de l’année précédente, tout se déroulait quasiment sans encombre.
Le 10 avril, alors que je pars sur Chiang Mai dans le nord du pays pour fêter le Songkhran, Abhisit Vejjaajiva envoie l’armée et des rangées de chars (que j’ai vus de mes yeux) afin de déloger les rouges (ces deux événements ne sont probablement pas liés). Bilan : plus de 20 morts et une situation inchangée.
Le 20 mai, la seule solution entrevue par le gouvernement est d’envoyer à nouveau l’armée pour en finir une bonne fois pour toutes avec le blocage de Ratchaprasong. Bilan : encore des morts, et des blessés. De colère, les rouges détruisent de nombreux bâtiments du quartier. Entre-temps, plus d’une centaine de personnes ont été « blacklistés » en Thaïlande pour être sûr qu’elles ne puissent apporter leur soutien (financier) aux leaders rouges. Les derniers manifestants rouges n’avaient plus de ravitaillement (comprenez : plus de nourriture) depuis plusieurs jours.
Au total, plus de 60 morts et des centaines de blessés. Le soir du mercredi 19 mai, des débordements ont explosé dans toutes les grandes villes de Thaïlande suite à la colère générale de tous les sympathisants rouges. Pour le moment, le blocage sur Bangkok est fini, mais je ne serai pas étonné de voir la situation s’envenimer à nouveau dans le futur. Hé oui, on ne se débarrasse pas d’un peuple révolté en envoyant l’armée.
Je ne suis pas journaliste. Je ne connais pas bien la politique thaïlandaise. Mais il semble assez évident que le gouvernement aurait dû démissionner de lui-même comme l’avait fait son prédécesseur, afin de débloquer plus rapidement la situation, d’éviter autant de morts et d’organiser de nouvelles élections. Malheureusement, le pouvoir, tout comme l’argent, est hautement addictif.
Si vous n’avez pas perçu les événements de cette façon, je suis curieux d’avoir votre point de vue sur le sujet. N’hésitez pas à me contacter. En tout cas, ce fut une sacrée expérience que d’avoir pu vivre ces événements de l’intérieur.